Défis et opportunités d’affaires des pays africains de la CEDEAO

Défis et opportunités d’affaires des pays africains de la CEDEAO

La CEDEAO, Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest, est un ensemble de 15 pays dont 8 sont membres de l’UEMOA, Union Economique Monétaire Ouest Africaine. Ces derniers ont en commun, la monnaie qu’ils partagent. Au niveau continental, l’Afrique de l’Ouest est la deuxième économie avec un Produit Intérieur Brut (PIB) évalué en 2014 à 6 %. Le Nigéria et le Ghana qui en font partie sont les pays les plus stables sur le plan économique. D’autres, comme la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Libéria ou le Niger, tentent eux aussi de se démarquer économiquement. Toutefois, plusieurs pesanteurs comme la migration, l’instabilité politique, la croissance démographique, etc. viennent plomber cette volonté de croissance économique. Pour dire les choses autrement, le développement du commerce intrarégional et des investissements semble soumis à de nombreux obstacles, malgré les opportunités d’affaires qui existent. L’objectif de cet article est de présenter ces opportunités d’affaires, de même que les défis que doivent relever les États ouest-africains pour atteindre la croissance économique escomptée.

 

La CEDEAO un ensemble de 15 pays

L’Afrique de l’Ouest est constituée de 15 pays membres, dont le Bénin, le Burkina Faso, le Cap-Vert, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Libéria, le Mali, le Nigéria, le Niger, le Sénégal, la Sierra Leone et le Togo. Certains pays parmi ceux-ci (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo) partagent une monnaie commune. L’ensemble des pays de la CEDEAO, qui existe depuis 1975, représente 24 % du PIB de l’Afrique. Selon les Nations Unies, ces pays en 2017 avaient une population évaluée à 367 millions.

Ces pays d’Afrique de l’Ouest sont, sur le plan politique, plus ou moins stables. Certains sont confrontés à la guerre civile, pendant que d’autres sont en proie à la violence politique ou bien au terrorisme. Toute chose pouvant menacer leur croissance économique.

Avec un taux de croissance du PIB estimé en 2014 à 6 %, l’Afrique de l’Ouest est la deuxième économie en Afrique, derrière l’Afrique du Nord. Si depuis quelques années, la Côte d’Ivoire fait preuve d’une croissance rapide, elle reste cependant derrière le Nigéria et le Ghana qui font preuve d’une belle stabilité.

Les opportunités d’affaires en Afrique de l’Ouest qui il faut le dire sont nombreuses doivent toutefois être améliorées. L’approvisionnement en énergie et la construction des infrastructures sont les principaux domaines dans lesquelles ce perfectionnement devrait avoir lieu. Parce que leur manque, leur insuffisance ou leur défectuosité sont de nature à freiner la mobilité des biens et des services, de même que la productivité. De leur côté, les investisseurs sont confrontés à l’absence de ressources humaines, ce qui rend impossible le recrutement d’un personnel qualifié. D’autre part, la cherté de la vie, dans certains pays comme le Nigéria, a pour conséquence d’éloigner cette main-d’œuvre qualifiée. N’empêche qu’il y a des opportunités qui, malgré ces obstacles, peuvent être améliorées pour voir les affaires prospérer dans la CEDEAO.

 

La CEDEAO et ses opportunités

En 2006 déjà, l’Afrique de l’Ouest représentait à elle seule 43 % de la population totale de l’Afrique en général. Elle comptait une population de 300 millions d’habitants. Selon les estimations, cette population devait augmenter de 130 millions d’ici 2025. Autrement dit, les États membres de la CEDEAO devraient compter à eux seuls 430 millions d’habitants, dont près de 65 % âgés de moins de 25 ans. Ce potentiel humain, sa forte jeunesse, constitue pour l’Afrique de l’Ouest une importante ressource humaine à exploiter. Malgré les inquiétudes que peut soulever cette forte croissance humaine, notamment les questions de pauvreté, de tensions et de crises sociales, il est possible d’en faire une main-d’œuvre capable d’impulser le développement. Encore que, si en 1970 plus de la moitié des jeunes âgés de moins de 15 ans étaient analphabètes, la situation aujourd’hui est tout le contraire.

La CEDEAO est aussi une région qui regorge de diverses ressources non exploitées ou mal exploitées. Elle dispose en l’occurrence de nombreuses ressources minières. Elle concentre par exemple l’une des plus grandes réserves de bauxite. Avec 419 000 tonnes d’uranium (Niger 243 000 tonnes + Namibie 176 000 tonnes), elle est aussi une importante réserve d’uranium. De toute la production africaine de fer, l’Afrique de l’Ouest génère à elle seule 27 %. Plusieurs pays en Afrique de l’Ouest sont producteurs d’or. C’est le cas par exemple du Mali où, en 2006, l’exploitation de l’or représentait près de 15 % de son PIB et environ 70 % de ses recettes d’exploitation. C’est aussi le cas du Burkina Faso qui en 2009 a vendu pour 180 milliards de FCFA d’or.

L’Afrique de l’Ouest détient aussi 34 % de la production africaine de manganèse. Les réserves pétrolières de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest sont aussi très importantes, notamment avec le Nigéria qui produit à lui seul près de 2 250 000 barils de pétrole par jour. Mais en dehors du Nigéria, le Ghana, la Côte d’Ivoire et le Niger sont aussi des pays producteurs de pétrole en Afrique de l’Ouest, même si l’importance des réserves n’est pas les mêmes, on y retrouvera d’autres ressources minières comme le diamant, le calcaire, le charbon, la platine, le zircon, le marbre, etc.

Par ailleurs, les ressources foncières de l’Afrique de l’Ouest ne sont pas à négliger. Bien au contraire. La superficie de l’Afrique de l’Ouest est estimée à plus de cinq millions de km2. Cette importante ressource foncière peut être un facteur créateur de richesse et de développement, surtout dans une région dont la population majoritairement s’investit dans l’agriculture.

Les ressources halieutiques constituent, elles aussi, l’une des potentialités sur lesquelles repose le développement de l’Afrique de l’Ouest. En plus de contribuer à la nutrition et à la sécurité alimentaire, les ressources halieutiques issues de la pêche en mer ou de la pêche en eau douce peuvent être un secteur générateur d’emplois et de revenus, de même qu’ils peuvent produire des recettes d’exportation, à condition d’être bien exploités.

Or, il se trouve précisément que malgré cet énorme potentiel, l’Afrique de l’Ouest n’a toujours pas réussi à bénéficier de tous ces avantages, à lui offert par la nature. Si globalement on peut invoquer la faiblesse de la gouvernance et un modèle d’exploitation des ressources inefficace pour justifier le retard de croissance que semble accuser la CEDEAO, plusieurs autres causes peuvent être évoquées à leur tour.

 

 Les défis liés au développement des affaires en Afrique de l’Ouest

La Banque mondiale, dans son rapport Doing Business où elle classe différents pays en fonction de la facilité à y faire des affaires, positionne l’Afrique de l’Ouest à la 152e place sur un total de 189 pays. Ce qui signifie en clair qu’il n’est pas bon d’investir en Afrique de l’Ouest. Mais, qu’est-ce qui fonde cette difficulté à faire des affaires dans la CEDEAO ?

Certains accusent notamment un taux d’imposition très élevé et des charges administratives liées aux impôts très lourds. Au-delà de cette difficulté inhérente au paiement des impôts, la difficulté d’accès à l’électricité est pointée du doigt, de même que la difficulté d’accès au permis de bâtir.

Il faut dire que les besoins insuffisants en énergie et en infrastructures font augmenter les coûts d’exploitation. Par ailleurs, d’autres facteurs comme l’absence d’information ou les disparités culturelles et religieuses de ces pays peuvent être des freins aux investissements.

Un autre obstacle, et pas le moindre d’ailleurs, est celui de la mobilisation des capitaux par les investisseurs. Plusieurs entreprises souhaitant accéder au crédit d’investissement n’y ont pas toujours droit. Le marché des capitaux en Afrique de l’Ouest, comparé aux normes internationales, est peu actif. Le niveau de financement des entreprises nationales reste très faible. La plupart du temps, les entreprises qui ont besoin de financement doivent faire recours à des capitaux étrangers.

Revenant sur la question de l’instabilité et du climat d’incertitude qui en résulte, il faut reconnaître qu’elle n’est pas seulement politique, même si le terrorisme a fragilisé l’économie de certains pays comme le Nigéria et refréné la plupart des investisseurs, il est une autre forme d’instabilité qu’il faut prendre en compte pour comprendre les difficultés inhérentes à l’investissement en Afrique de l’Ouest. Celle-ci est davantage économique.

C’est par exemple le cas du Ghana où l’instabilité monétaire a réussi à semer un climat de doute, de peur chez les investisseurs. Entre les investisseurs étrangers qui souhaitent accorder des prêts en monnaies étrangères (dollars et euros) et les entreprises locales qui préfèrent être financées en monnaie locale pour se prémunir du risque de change, une tension est très vite apparue.

Les obstacles réglementaires ont été brièvement évoqués dans cet article comme faisant partie des freins au développement des affaires en Afrique de l’Ouest. Plus précisément, il s’agissait de démontrer que l’absence d’une législation régionale commune n’est pas de nature à encourager les investissements. Les particularismes réglementaires plombent en effet le développement des affaires au niveau régional. Dans ce sens par exemple, la Sierra Leone est accusée de continuer à fonctionner avec une loi commerciale en total déphasage avec cette époque. Une loi de 1960 ne saurait régir le commerce actuel qui a fortement évolué.

 

Prospectives : quelques solutions pour sortir de la crise

Parmi les mesures à préconiser pour aider l’Afrique de l’Ouest à surmonter ces difficultés liées au développement des affaires, il y a la levée des barrières non tarifaires en rapport avec l’accès aux marchés. En effet, en facilitant l’accès aux marchés nationaux, sous-régionaux et même continentaux, la CEDEAO encouragerait les investissements. Il est à observer que la libre circulation des personnes dans la sous-région bénéficie d’énormes progrès, mais la libre circulation des marchandises reste encore soumise à de nombreuses restrictions de nature à décourager toute initiative louable dans le domaine du commerce intrarégional. Non seulement les taxes douanières sont très élevées, mais il n’est pas rare de trouver 3 à 4 postes de contrôle sur un tronçon routier de 100 km avec pour corollaire la corruption. Ces nombreuses barrières à l’entrée des marchés de l’espace CEDEAO impactent principalement sur les PME.

Une autre disposition à prendre est d’améliorer considérablement les réseaux de transport. Pour favoriser une meilleure intégration économique des pays membres, faciliter leur interconnexion, il est important d’investir dans le développement des infrastructures. Ceci suppose par exemple, de mobiliser les ressources financières pour faciliter le financement des projets dits prioritaires, de mettre en œuvre le programme de facilitation du transport ainsi que du transit routier, de libéraliser le transport aérien régional. Ces mesures auront pour effet de réduire les coûts commerciaux et améliorer la qualité des produits grâce à la compétitivité. Les infrastructures portuaires, elles aussi, devraient être améliorées tant au niveau de la qualité, qu’au niveau des coûts.

La CEDEAO, bien qu’elle compte environ 12 grands ports maritimes, ne figure pas au classement des 70 ports les plus grands au monde. Les délais de manutention sont très longs, et les coûts exorbitants. Alors que la norme voudrait que le délai de manutention soit de 7 jours tout au plus, il faut compter parfois plus de 12 jours dans les ports d’Afrique de l’Ouest. Ce qui a pour conséquence de surenchérir les coûts.

Une autre chose à faire serait d’harmoniser les politiques fiscales des États membres de la CEDEAO. Une telle mesure serait de nature à encourager aussi bien les investisseurs que les fournisseurs. En adoptant une politique fiscale commune, les pays d’Afrique de l’Ouest éviteraient de se faire mutuellement concurrence. L’avantage qu’ils pourront en tirer, c’est de bénéficier davantage d’investissements directs étrangers (IDE). Entre 2013 et 2017, fort du potentiel de son marché régional, l’Afrique de l’Ouest a pu attirer 19 % d’IDE en Afrique. 

Aussi, pour attirer des investisseurs en Afrique de l’Ouest, les membres de la CEDEAO doivent mettre leurs forces ensemble pour améliorer l’accès à une électricité et en faire un secteur de bonne qualité. Une électricité de qualité fiable est le meilleur moyen de s’assurer de nouveaux investisseurs. Voilà pourquoi la communauté de l’Afrique de l’Ouest gagnerait à investir davantage sur son Système d’échange d’énergie électrique ouest-africain (EEEOA) créé en 1999, lequel regroupe 14 pays. En outre, il serait important pour les pays CEDEAO de faciliter l’accès à la terre afin de transformer la productivité des économies agricoles.

 

Dans quels secteurs investir en Afrique de l’Ouest ?

Malgré les obstacles liés aux investissements dans la CEDEAO, il existe des secteurs porteurs dans lesquels il serait possible de se lancer.

Le domaine de l’énergie solaire est par exemple un secteur très prometteur. Non seulement les journées, durant toute l’année, sont très ensoleillées en Afrique subsaharienne en général, mais un peu plus de 600 millions de personnes vivant principalement dans les zones rurales n’ont pas accès à l’électricité. Ceux vivant dans les zones urbaines ne sont pas épargnés des déficits d’électricité en raison des pannes et des coupures fréquentes, d’où l’intérêt d’investir dans ce secteur.

Investir dans l’agro-alimentaire en Afrique de l’Ouest serait aussi une très belle opportunité d’affaires. Selon la Banque mondiale, l’agrobusiness représenterait en 2030 à peu près 1 milliard de dollars US. Les terres arables non exploitées en Afrique représentent environ 60 %. À ceci s’ajoute un potentiel énorme en main-d’œuvre. Le continent en lui-même constitue un marché important pour y écouler les produits issus de son agro-industrie. L’Afrique importe du blé à hauteur de 70 %, environ 300 000 tonnes de poulet ; et pour les céréales, le riz en particulier, elle dépense 10 milliards de dollars US tous les ans. Alors, la croissance verte est une merveilleuse opportunité pour l’Afrique en général, et la CEDEAO en particulier.

Les technologies de l’information et de la communication sont aussi un secteur d’activité à exploiter. En dehors du domaine du Mobil Banking et du commerce sans papier, l’Afrique en général représente un marché à forte croissance du smartphone. Le marché des smartphones en Afrique représente plusieurs milliards de dollars. L’Afrique de l’Ouest avec ces 15 pays membres pourrait être un marché créateur de millionnaires.

Investir dans l’éducation serait aussi un marché intéressant. Cela d’autant plus que l’Afrique a un capital humain encore très jeune, et qui dans le même temps, n’a pas toujours accès à l’éducation, notamment à une éducation de qualité. Favoriser l’accès à l’éducation en Afrique de l’Ouest où 65 % de la jeunesse à moins de 25 ans, c’est s’assurer d’avoir à terme, une main-d’œuvre qualifiée dans différents secteurs.

D’autre part, avec la révolution numérique qui s’opère en Afrique, il est plus que légitime que ceux qui cherchent un domaine d’affaires dans lequel faire fortune se mettent au développement des applications et des services en ligne. La plupart des entreprises actuellement sont dans un processus de digitalisation. Ce qui suppose que l’économie numérique sera un domaine très rentable à terme.

Par ailleurs, les solutions de paiement et le secteur de l’immobilier aussi devraient constituer de belles opportunités d’affaires pour ceux qui veulent investir dans les affaires en Afrique de l’Ouest. Plus d’une centaine de milliards de dollars, chaque jour, font l’objet de transaction en espèces en Afrique en général, et une part importante de cette somme provient de l’espace CEDEAO. Un service de paiement en ligne ou de transfert d’argent pourrait être une solution bénéfique pour un investisseur. Aussi, le marché de l’immobilier en Afrique de l’Ouest serait un marché assez rentable. Le Nigéria à lui seul manifeste un besoin de 17 millions d’unités de logement, avec un coût moyen d’investissement estimé à près de 367 milliards de dollars US.

Plusieurs secteurs d’activités peuvent être exploités, à condition que des mesures soient prises pour améliorer le climat des affaires en Afrique de l’Ouest.

 

Amadou Sangaré, Sangarea

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